Chaque année la ville de Mouans Sartoux (06) fête le miel
Innombrable, organisée, laborieuse, disciplinée, infatigable, l’abeille ne serait qu’une autre fourmi, comme elle symbole des masses soumises à l’inexorable du destin -homme ou dieu- qui l’enchaine, si, de surcroît, elle n’avait des ailes, un chant et ne sublimait en miel immortel le fragile parfum des fleurs.
Ce qui suffit, à coté du temporel, à conférer une haute portée spirituelle à son symbolisme.
Ouvrières de la ruche, cette maison bourdonnante que l’on compare plus naturellement à un joyeux atelier qu’à une sombre usine, les abeilles assurent la pérennité de l’espèce, mais aussi, prises individuellement en tant qu’animatrices de l’univers entre terre et ciel, elles en viennent à symboliser le principe vital, à matérialiser l’âme.
C’est ce double aspect -collectif et individuel, temporel et spirituel- qui fait la richesse de leur complexité symbolique, partout où il est attesté.
Commentant Proverbes, 6, 8 (bible): « va voir l’abeille et apprend comme elle est laborieuse » Saint Clément d’Alexandrie ajoute « car l’abeille butine sur les fleurs de tout un pré pour ne former qu’un seul miel (Stromates, 1). »
« Imitez la prudence des abeilles » recommande Théolepte de Philadelphie, et il les cite comme exemple, dans la vie spirituelle des communautés monastiques.
Pour les Nosaïris, hérésiarques musulmans de Syrie, Ali, lion d’Allah est « le prince des abeilles », qui, selon certaines versions, seraient des anges, et, selon d’autres, les croyants: « les vrais croyant ressemblent à des abeilles qui se choisissent les meilleures fleurs » (Huan, 62)
Dans le langage métaphorique des derviches Bektachi, l’abeille représente le derviche, et le miel est la divine réalité (le Hak) qu’il recherche (Bird, 255). De même, dans certains textes de l’Inde, l’abeille représente l’esprit s’enivrant du pollen de la connaissance.
Personnage de fable pour les Soudanais et les habitants de la boucle du Niger, elle est déjà symbole royal en Chaldée, bien avant que ne la glorifie le premier empire français. Ce symbolisme royal ou impérial est solaire, l’ancienne Égypte l’atteste, d’une part en l’associant à la foudre, d’autre part, en disant que l’abeille serait née des larmes de Ré, le dieu solaire, tombées sur la terre.
Symbole de l’âme, elle est parfois identifiée à Déméter de la religion grecque, où elle peut figurer l’âme descendue aux enfers: ou bien au contraire, elle matérialise l’âme sortant du corps. On la retrouve au Cachemire et au Bengale, et dans de nombreuses traditions indiennes d’Amérique du Sud, ainsi qu’en Asie centrale et en Sibérie. Platon, enfin, affirme que les âmes des hommes sobres se réincarnent sous forme d’abeille.
Figuration de l’âme et du verbe -en hébreu le nom de l’abeille Dbure vient de la racine Dbr parole- il est normal que l’abeille remplisse aussi un rôle initiatique et liturgique. A Eleusis et à Ephèse, les prêtresses portent le nom d’abeilles. Virgile a célébré leurs vertus.
On les trouve figurée sur les tombeaux, en tant que signes de survie post-mortuaire. Car l’abeille devient symbole de résurrection. La saison d’hiver -trois mois- durant laquelle elle semble disparaître, car elle ne sort pas de sa ruche est rapprochée du temps -trois jours- durant le corps du Christ est invisible, après sa mort avant d’apparaitre de nouveau ressuscité.
L’abeille symbolise encore l’éloquence, la poésie et l’intelligence. La légende concernant Pindare et Platon (des abeilles se seraient posées sur leurs lèvres au berceau) est reprise pour Ambroise de Milan; les abeilles frôlant ses lèvres et pénètrent dans sa bouche. Le propos de Virgile selon lequel les abeilles renferment une parcelle de la divine Intelligence reste vivant les chrétiens du Moyen-âge. On retrouve ici la valeur symbolique du bourdonnement, véritable chant de l’abeille.
Un sacramentaire gélasien fait allusion aux qualités extraordinaires des abeilles qui butinent les fleurs en les frôlant sans les flétrir. Elles n’enfantent pas; grâce au travail de leurs lèvres elles deviennent mères; ainsi le Christ procède-t-il de la bouche du Père.
Par son miel et par son dard, l’abeille est considérée comme l’emblème du Christ: d’un coté sa douceur et sa miséricorde, et de l’autre, l’exercice de sa justice en tant que Christ-juge. Les auteurs du Moyen Age évoquent souvent cette figure; pour Bernard de Clairvaux elle symbole l’Esprit Saint.
Les Celtes se réconfortaient avec du vin miellé et de l’hydromel.
L’abeille dont le miel servait à faire de l’hydromel, ou liqueur d’immortalité, était l’objet, en Irlande, d’une étroite surveillance légale. Un texte juridique moyen-gallois dit que « la noblesse des abeilles vient du paradis et c’est à cause du péché de l’homme qu’elles virent de là; Dieu répandit sa grâce sur elles et c’est à cause de cela qu’on ne peut chanter la messe sans la cire ».
Même si ce texte est tardif et d’inspiration chrétienne, il confirme une tradition très ancienne dont le vocabulaire offre encore des traces (le gallois cwyraidd de cwyr-cire signifie parfait, accompli et l’irlandais moderne céir-bleach littéralement cire d’abeille désigne aussi la perfection). Le symbolisme de l’abeille évoque donc chez les Celtes comme ailleurs les notions d’immortalité et de sagesse de l’âme (chab, 857 sqq; revc, 47, 164-165).
L’ensemble des traits empruntés à toutes les traditions culturelles dénote que, partout, l’abeille apparait essentiellement douée d’une nature ignée, c’est un être de feu.
Elle représente les prêtresses du Temple, les Pythonisses, les âmes pures des initiés, l’Esprit, la Parole, elle purifie par le feu et nourrit par le miel; elle brûle par son dard et illumine par son éclat.
Sur le plan social, elle symbolise le maitre de l’ordre et de la prospérité, roi ou empereur, non moins que l’ardeur belliqueuse et le courage. Elle s’apparente aux héros civilisateurs, qui établissent l’harmonie par la sagesse et le glaive.
Source: Dictionnaire des symboles (mythes, rêves, coutumes, gestes, formes, figures, couleurs, nombres) par Jean Chevalier et Alain Gheerbrant
On peut ainsi associer symboliquement l’abeille au soleil et à Tipheret, qui est tantôt miséricorde, salvateur avec Raphaël, et tantôt guerrier avec Mickaël, se situant sur le pilier de l’équilibre.
-> sa cire étant ainsi un symbole de lumière, son miel d’immortalité et ayant des propriétés de guérison (au sens propre comme figuré)